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Utilisateur:AlekN/Zygmunt Balicki

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Zygmunt Balicki (1858 - 1916) Sociologue, homme politique et cofondateur de la mouvance suprapolonaise. Il est l’un des artisans de la national-démocratie polonaise.


Zygmunt Balicki naît le 30 décembre 1858 à Lublin. Ses parents, Seweryn Balicki et Karolina, née Gruszczyńska, font partie d’une noblesse polonaise appauvrie, cultivant des traditions patriotiques. Leurs armoiries sont ornées par un blason du clan « Ostoja » (fr: le rempart). Le grand-père de Zygmunt, Józef Balicki, faisait partie de la garde napoléonienne de chevau-légers. Seweryn Balicki est fonctionnaire dans l’administration dans la province de Lublin.

    En 1876, Zygmunt Balicki passe son baccalauréat au « Gymnasium masculin de Lublin », exemple d’un établissement scolaire appliquant une politique de russification.

    Après son baccalauréat, il commence des études en droit à l’Université de  Pétersbourg. Il y étudie parallèlement des cours à l’Académie des Beaux-arts. C’est à cette époque que naît son remarquable talent de dessinateur.

    Durant ses études à Pétersbourg, il prend contact avec les milieux révolutionnaires russes et polonais. Dans le cas des premiers,  il s’agit de personnes liées au groupe « Narodnaja Wola ». Pour les seconds - actifs depuis 1879 -,  c’est la « Communauté des socialistes polonais » à laquelle Balicki adhère avec son frère Tadeusz.

    Après avoir terminé ses études dans la capitale russe, Balicki rentre à Varsovie, où il s’installe et travaille comme stagiaire au Tribunal départemental local.  Ce départ  vers Varsovie a aussi un autre but. À la demande des autorités de la « Communauté des socialistes polonais » de Pétersbourg, il doit y former les structures de  l’ organisation socialiste dans la capitale polonaise.

    Dès ses études, Zygmunt Balicki se fait connaître comme un organisateur de talent. « C’est un homme qui possède un vaste savoir et de grandes capacités, un bon orateur, plus est, il est agréable à voir et fort bien fait. Ses proches lui font confiance et il jouit d’une vive sympathie auprès de ses amies » (J. Hłasko).

     En cette période, dans la « Communauté des socialistes polonais » a lieu une discussion au sujet de la lutte pour l’indépendance de la Pologne, face aux postulats socialistes. Balicki est un défenseur passionné du « programme indépendantiste », c’est-à-dire d’une concentration d’efforts pour recouvrir l’indépendance nationale, sur la base d’un socle social le plus large possible (sans exclure les « couches sociales des propriétaires ») et de remettre le programme social à une date ultérieure, quand l'État polonais sera reconstruit.

     En février 1881, la police du tsar démantèle la « Communauté des socialistes polonais », mais Balicki arrive à ne pas se faire arrêter. Il se réfugie à Lwów, où il continue ses activités en Galicie autrichienne. Il amorce une collaboration avec les sympathisants du socialisme parmi les étudiants des écoles supérieures de Lwów (Université et École polytechnique), ainsi que de l’Académie d’agriculture à Dublany. Il publie ses premiers articles politiques dans le bihebdomadaire socialiste « Le Travail » (pol: Praca), édité dans la capitale de la Galicie.

    L’activité de Balicki est si dynamique, que dès 1882 on le surnomme « l’un des meneurs du socialisme de Lwów » (I. Daszyński). Cette activité n’est point passée inaperçue auprès de la police autrichienne, qui vers la fin de 1882, procède à plusieurs arrestations dans les milieux des activistes socialistes.

    Lors du procès de toute l’organisation socialiste, qui se déroule au Tribunal pénal de Lwów (10 mai 1883), Balicki est condamné à quatre mois de prison. Après avoir purgé sa peine, il doit être remis aux autorités russes, en tant que sujet du tsar. En attendant cette décision, on le détient dans les locaux de la police locale. Son évasion, organisée par les socialistes, échoue. Finalement, le conte Alfred Potocki régent de Galicie, décide de ne pas l’extrader. Sa peine est commuée en déportation du territoire polonais sous tutelle autrichienne et de toute la Monarchie austro-hongroise. Fin 1883, Balicki quitte la Galicie et part pour la Suisse.

     La période de treize années passées au pays des Helvètes, au début à Zurich et ensuite à Genève, est remplie d’une intense activité politique et scientifique.

    Balicki arrive en Suisse avec des convictions socialistes. À Genève, il prend contact avec le nestor des dirigeants du socialisme polonais à orientation « indépendantiste » - Bolesław Limanowski. Ainsi commence son activité politique dans le cadre de l’association socialiste « Le Peuple polonais » (pol : Lud polski), fondée à Paris en 1881, par Limanowski lui-même.

    Il développe parallèlement une formation scientifique, qui se concentre sur des domaines du savoir entièrement neufs pour l’époque: la sociologie et la psychologie sociale.

    En 1896, sur la base d’un traité intitulé: « L’État comme organisation coercitive de la société politique », Balicki obtient le titre de docteur en droit à l’Université de Genève. Avant la soutenance de sa thèse, il publie maints écrits dans la presse internationale, relevant de la sociologie de la politique. En 1895, dans les colonnes de la « Revue internationale de sociologie » paraît son article: « L’organisation spontanée de la société civile ».

       Sa reconnaissance comme scientifique, après l’obtention du grade de doctorat, a été gratifiée par sa nomination comme membre correspondant de l’ « Institut International de sociologie » à Paris.

    Aux débuts de son séjour suisse, Balicki est témoin d’une discussion dans le cercle de ses proches amis et collaborateurs politiques, sur la question de l’appartenance à la franc-maçonnerie. Balicki ne nie pas son accession à l’une des loges maçonniques de Genève. Il considère le problème - comme le relate Władysław Jabłonowski - comme une action pro forma, permettant l’obtention plus rapide de la nationalité suisse. Cette dernière étant une condition nécessaire pour exercer une activité scientifique, couronnée d’un doctorat.

    Il obtient la nationalité suisse en 1891. Au début de cette même année, il se marie avec Gabriela Iwanowska, de treize ans moins âgée que lui et étudiante en botanique à l’Université de Genève.

    D’un point de vue matériel, la vie quotidienne de Balicki en Suisse est quelque peu pénible et en rien différente de ses « années polonaises ». Balicki n’a pas de situation stable et vit grâce à des travaux physiques occasionnels. Son talent de dessinateur lui permet de gagner sa vie, entre autres comme illustrateur d’un  « Atlas anatomique de l’homme », par ailleurs fort apprécié et édité en 1891 par le professeur Zygmunt Laskowski, doyen de la Faculté de médecine de l’Université de Genève. Les débuts d’un grand tournant dans la vie politique de Balicki, ont lieu en 1886, lorsqu’il rencontre en Suisse le colonel Zygmunt Miłkowski (pseudonyme de Teodor Tomasz Jeż), lié à l’option démocratique de l’émigration polonaise et vétéran de l’Insurrection de janvier (1863). Balicki accepte en totalité le programme politique  de Miłkowski, édité sous forme de brochure (1887) intitulée: «  Au sujet d’une défense active et du Trésor national », déclaration dans le sillage de laquelle naît la Ligue Polonaise, dirigée par Miłkowski. C’est tardivement, vers 1888, que Balicki en devient membre. Le 8 août 1888, il participe à la réunion des candidats à la Ligue Polonaise à Hilfikon en Suisse et devient le coauteur du statut de l’organisation. C’est par son entremise que Bronisław Limanowski  fait son adhésion à l’organisation. Le séjour suisse signifie aussi une rupture de ses contacts avec la Pologne. En 1886, à la demande de Miłkowski, il se rend à Cracovie et Varsovie, pour y sonder les possibilités d’organiser les jeunesses académiques polonaises au niveau politique. Durant ces rencontres, Balicki propose de mettre en place une seule organisation secrète unifiée, réunissant tous les étudiants polonais, aussi bien ceux du territoire national démembré, que ceux qui suivent des cours hors des terres polonaises. Cette idée prend corps le 14 janvier 1887, lors de la création à Cracovie de « L’Union des jeunesses polonaises », organisation clandestine connue sous le nom de « Zet ». L’action de  Balicki dans cette entreprise, est l’une de ses initiatives les plus brillantes en tant que politicien. Une année après la naissance de l’organisation, Balicki, en tant que fondé de pouvoir pour la centralisation de la Ligue Polonaise, aboutit à une union formelle du « Zet » avec la Ligue Polonaise. Bien que « L’Union des jeunesses polonaises » soit un « condensé de forces contradictoires » (S. Żeromski), on peut la considérer comme une véritable forge des cadres du mouvement national-démocrate. Les principaux points du programme politique du « Zet » sont : « L’indépendance de la Pologne ainsi que « la libération et l’accession du  peuple à la vie de la nation » (S. Kozicki). La structure interne du « Zet » est basée sur trois degrés d’initiation (amis-camarades-frères), idée que l’on doit à Balicki. On suppose que ce modèle structurel clandestin provient des loges maçonniques, Balicki en faisait partie.

    Le renforcement des liens entre Balicki et la Ligue Polonaise ainsi que son engagement dans la naissance du « Zet », vont de pair avec son activité politique dans d’autres domaines. En décembre 1891, il est l’un des fondateurs de « L’Union des expatriés polonais », qui se réfère aux traditions historiques de l’émigration polonaise: l’Association Démocratique Polonaise.

    En 1892, Balicki  devient membre de « L’Union des socialistes polonais de l’étranger » (ZZSP) - organisation-mère du Parti Socialiste Polonais (PPS). Il y remplit la fonction de trésorier. Lorsqu’en 1894, lors d’une réunion du Parti, on prend la décision d’interdire à ses membres d’appartenir à d’autres organisations politiques, Balicki quitte les rangs des socialistes. Il rompt ainsi ses derniers liens avec ce mouvement.

     Cette action n’est nullement formelle. En 1895, dans un article publié dans les colonnes du journal socialiste « L’Aurore » (pol: Przedświt), Balicki explique que la raison de sa séparation avec le socialisme a un caractère idéologique. Il adresse sa polémique au courant majoritaire et indépendantiste du mouvement socialiste polonais, représenté par le PPS. Il l’accuse de ne pas accepter « le droit au parallélisme », qui, souligne Balicki, nécessite de joindre les buts de la lutte sociale aux objectifs nationaux. Balicki considère comme inacceptable le point de vue - bien ancré dans le PPS - du rôle naturel des ouvriers dans la direction du Parti, et donc dans la lutte pour la libération nationale.

    Il rejette la thèse formulée par Kazimierz Kelles-Krauze, principal idéologue de la mouvance indépendantiste de la pensée socialiste polonaise, selon laquelle la lutte pour l’indépendance profite au socialisme, car l’oppression du pouvoir des occupants rend impossible une rapide accession au système socialisme.  « Et si jamais c’était possible ? Si le gouvernement étranger permettait toutes les libertés politiques, mis à part les nationales, n’y aurait-il plus d’oppression ? Est-ce que l’auteur (K. Kelles-Krauz), pour trente deniers frappés du sceau de son parti, vendrait la dignité personnelle et publique du prolétariat avec l’indépendance de la Pologne ? ».

    Lorsque Balicki écrit ces mots, il est déjà membre de la Ligue Nationale - fondée en 1893 à l’initiative de Roman Dmowski -  et permet aux membres actifs du pays d’être indépendants d’un centralisme suisse de la Ligue Polonaise, liée à Zygmunt Miłkowski. Durant cette entreprise, Balicki devient le bras droit de Dmowski. Les détails du projet concernant la réforme de la Ligue Polonaise, sont rédigés par Balicki et transmis à Dmowski, durant l’été 1892, en Suisse. Toutes les précautions d’une conspiration sont prises en compte. Le plan d’action au sujet de la mise sur pied d’une nouvelle organisation est rédigé à l’encre sympathique au dos d’un album, contenant des illustrations sur Versailles, que Dmowski emportera avec lui en Pologne ». (S. Kozicki).

    La Ligue Nationale voit le jour le 1 avril 1893 à Varsovie et lors des premières années de son existence agit selon les statuts dont Balicki est l’auteur. Ce n’est que depuis août 1897, que ce dernier fait partie de ses plus hautes instances dirigeantes. Lors de la deuxième conférence du « Conseil central de la Ligue Nationale » à Budapest, Balicki est élu comme membre du Comité central.

    C’est depuis la création de la Ligue, que coïncide sa rupture avec les socialistes et que grandit son engagement dans l’organisation et le programme du mouvement suprapolonais en formation.

    Un des signes de cette activité est sa présence comme représentant de la Ligue Nationale au « XIe Parlement de l’Union Nationale Polonaise » (ZNP) à Cleveland aux États-Unis (septembre 1895),  la plus grande organisation de Polonais à l’étranger. Un des résultats des débats est le fait de nouer une collaboration entre le Trésor national de Rapperswil et le Trésor national de Milwaukee. C’est grâce à l’initiative de Balicki, que le 19 septembre 1895, est signé à Chicago « L’Acte de fondation de la Ligue Nationale aux États-Unis ».

    En mars 1896, Balicki s’installe avec son épouse à Munich. C’est de là qu’il dirige la reconstruction du « Zet », dont les structures ont été démembrées en 1894 et les activistes arrêtés par la police du tsar, après avoir organisé  une manifestation commémorant le centième anniversaire de l’Insurrection de Kościuszko.

    Grâce aux efforts de Balicki, le « Zet » est réactivé en 1898. Ce deuxième « Zet », rassemble lui aussi les étudiants polonais des écoles supérieures des terres polonaises et de l’étranger, promouvant dans son programme de manière décisive les idées suprapolonaises. Les personnes sympathisant avec le socialisme n’y sont plus admises.

    Le séjour à Munich va durer presque deux ans. Début 1898, Balicki revient en Pologne et s’installe à Cracovie, projetant de continuer sa carrière scientifique. En 1903, on lui propose un poste d’agrégé à la Faculté de sociologie de l’Université Jagellonne. L’offre est assortie d’une condition: il doit cesser toute activité politique, ce que Balicki refuse. « L’idée de travailler dans une faculté, il l’a laissée pour des temps plus calmes, au moment où il ne porterait plus le poids des obligations nationales. Jamais plus, il ne lui sera donné d’occuper cette chaire » (J. Mosdorf).

    Les démarches visant à obtenir un poste à la Bibliothèque Jagellonne, se sont elles aussi soldées par un échec. Comme l’explique Karol Estreicher, son directeur, le demandeur ne remplissait pas les conditions formelles d’admission (manque d’un doctorat d’une université autrichienne), pire, « Il traînait derrière lui l’opinion d’être socialiste ». Il est bon de rappeler, que pour les conservateurs polonais, le mouvement national-démocrate fait lui aussi partie des « mouvances extrémistes ». Dans ces conditions, la principale source de revenus de Balicki, sont les honoraires perçus pour ses activités journalistiques.

    À son arrivée à Cracovie, Balicki se charge de remplir les obligations de commissaire de la Ligue Nationale en Galicie. « La maison des Balicki à Cracovie, située dans le quartier de Dębniki, était vrai l’avant-poste du sanctuaire national-démocrate, et son charme était tel, qu’il était impossible de ne pas rebrousser chemin pour s’y rendre. Aucune personne engagée dans la mouvance nationale ne pouvait omettre cette maison accueillante. C’est là qu’il rencontrait et faisait connaissance avec ceux qu’il devait connaître » (A. Plutyński).

    À son retour en Galicie, Balicki travaille non seulement au renforcement des structures du mouvement national-démocrate sur le territoire polonais démembré, mais développe toute une activité journalistique (1895) dans les pages de la Revue suprapolonaise  (pol : Przegląd Wszechpolski) à Lwów, principal organe de presse du parti en formation.

    C’est durant cette période, qu’il précise les raisons de sa rupture avec le socialisme. En 1898, dans le cadre d’un périodique théorique de la Ligue Nationale : « Trimensuel  des sciences politiques et sociales », il publie un article intitulé : «  Remarques critiques sur le socialisme contemporain ». Balicki y rejette l’égalitarisme socialiste, c’est-à-dire le fait de « tendre vers le plus possible d’égalité entre les hommes » et  un « égal partage des richesses ». Et de remarquer : « L’égalité dans les relations sociales ne signifie pas un haut niveau de culture et de formes sociales, ce dont les sociétés primitives sont la meilleure preuve ».

    Balicki perçoit des dangers dans « la pression légaliste d’un État rationnel », un étatisme qui serait l’aboutissement naturel du programme socialiste. Il n’accepte pas qu’on octroie à l’État omnipuissant, le rôle d’outil pour mettre en place des réformes sociales « progressistes ». D’après Balicki: « Le pouvoir de l’État et l’obligation juridique qui s’ensuit, jouent souvent dans la vie sociale des rôles complémentaires, (…) palliant au manque d’initiatives indépendantes, de coopération et d’organisation de la société, au manque d’unification dans des actions communes, ainsi que d’une solidarité et intégralité de ses membres ».

    La conséquence de la réalisation du postulat socialiste de nationaliser « les moyens de production » ne serait pas selon lui une libération des ouvriers, mais la naissance « d’une légion de bureaucrates étatisés, dépositaires d’un pouvoir énorme ». Cette nouvelle « classe privilégiée » régirait une « masse de travailleurs contractés par l’État, dépossédés de leur propre organisation et liés entre eux que par des institutions centrales avec leurs filiales ». Le socialisme est, pour terminer sa pensée, incompatible avec le programme d’une solidarité nationale. Balicki écrit dans son article: « Personne ne sème de plus grands antagonismes de classe et d’intérêts partisans, plus de haines internes, que ceux qui clament vouloir supprimer les antagonismes et les discordes nationales. En voulant organiser une solidarité internationale, ils commencent par désorganiser leur propre nation »

    Dans le même texte (1898), Balicki souligne que sa rupture avec le socialisme ne signifie pas l’abandon des traditions démocratiques, qui sont à la base de la mouvance suprapolonaise : « L’histoire n’est pas seulement une lutte de classes, c’est aussi l’avancée d’un processus de socialisation; la démocratisation, qui est l’expression de cette tendance, se meut vers une démocratisation sociale de plus en plus grande et remplit par là un rôle éminemment national ».

    En 1902, Balicki écrit un traité intitulé « L’égoïsme national face à l’éthique ». À côté des « Pensées d’un Polonais moderne » de Roman Dmowski et des publications de Jan Ludwik Popławski,  cette publication servira d’inspiration dans la formulation des principaux éléments de la pensée politique des « Suprapolonais ».

    La thèse principale du livre consiste à opposer à « l’éthique de l’idéal » - ce qui signifie tendre vers une perfection morale individuelle, affirmer un humanisme universel et un altruisme politique - une « éthique de l’idée ». Cette dernière, Balicki la comprend comme un « bien réel d’une société concrète à laquelle appartient un individu donné ». C’est ainsi qu’il conçoit le passage vers un égoïsme national. Cette acceptation est nécessaire, et il argumente : « Le droit à une existence indépendante ne revient qu’aux nations à forte individualité, sachant se battre et vaincre pour leur existence, capables de s’opposer par la force à toute violence, se venger des coups reçus et s’assurer la primauté de la justice ».

    Une telle esquisse de Balicki sur « l’éthique nationale », s’appuie sur la conviction absolue qu’une nation « englobe l’ensemble de la vie d’un homme ». Ainsi, son activité humaine, comme homme et citoyen, doit être, toujours et en tous lieux, soumise à l’ordre universel et implacable du droit d’une éthique sociale (éthique de l’idée) ». Elle comprend l’impératif d’une soumission des actions de l’homme dans la société à un « égoïsme national intrinsèque ».

      Cela ne signifie aucunement que Balicki veuille transférer sans restriction les principes du darwinisme (lutte pour la survie) vers la société ou les relations internationales. Bien qu’il affirme que « la nation en tant qu’organisme vivant, a le droit moral de s’agrandir, non seulement au préjudice de forces passives, dépourvues de raison et socialement inertes, mais même sur le compte d’autres nations », tout en ajoutant une réserve: « Pourvu que cet agrandissement soit naturel et ne se base pas sur une force brutale, l’oppression et des lois d’exception ».

    Balicki souligne dans son traité, que « haussé au niveau d’un étendard éthique, la nation ne devient pas de ce fait un but sacrifiant tous les moyens ; ce n’est là qu’une  conscience de l’homme citoyen ». Le but premier de la politique de « l’égoïsme national », est de tendre vers la grandeur de la nation. Toutefois, ce but ne sacrifie pas les moyens, écrit Balicki,  car il y va avant tout de la dimension spirituelle de la liberté : « Une nation faisant preuve de grandeur d’esprit, d’une puissance issue de son égoïsme intrinsèque, ne va pas se rabaisser à commettre des abus ou des violations, car elle a en grande estime sa dignité, du respect envers sa culture et une dévotion envers son drapeau, que le soldat ne va point salir par des meurtres et assassinats ».

     C’est paroles sont l’écho de l’héritage romantique polonais de Balicki. On peut y déceler ce qu’un membre du parti national-démocrate appelle « une synthèse de la pensée romantique et positiviste ». Du romantisme, cette idée retient le projet « d’élaborer des buts à long terme », ainsi que « la notion de nation et d’un culte du sentiment national », tandis que du positivisme elle garde « un jugement précis  qui considère les conditions du temps et de l’espace » (S. Kozicki).

    Le fait d’unir ces deux traditions dans une seule réflexion politique, est présent chez Balicki dans «  L’égoïsme national face à la politique », où il décrit le « soldat-citoyen ». Il ne s’agit pas de rehausser « l’esprit du militarisme », mais de rappeler  « l’esprit chevaleresque (…) le métier de guerrier ne consiste pas à tuer, mais à être prêt à mourir, à donner sa vie au service de la société ».

    Dans la conception dans laquelle il a été élevé - celle de l’éthique nationale -  un soldat-citoyen doit être mu, « non par la supériorité de la force, mais par celle de la justice ». Les modèles à suivre sont, souligne-t-il, tous ceux qui ont participé aux insurrections nationales polonaises. Leur éthique reflétait ce qui est le plus important pour chaque soldat-citoyen: la primauté de l’esprit. « N’est pas soldat qui porte un uniforme et une épée, mais celui qui a en soi un caractère de soldat et un esprit guerrier. Ces traits peuvent s’unir à chaque profession, à chaque poste, à  chaque type de travail (…) C’est dans ce sens qu’un soldat est le meilleur politicien d’une nation, à qui on a déclaré une lutte à mort ».

    « L’égoïsme national face à l’éthique » est la publication la plus retentissante de Balicki. Les idées qu’elle contient ont trouvé une large approbation et bien des continuateurs dans le camp des « Suprapolonais ». En 1905, Roman Dmowski dans   « Les fondements de la politique nationale », se réfère à la distinction que fait Balicki entre l’éthique individuelle et l’éthique communautaire. L’étude de Balicki acquiert toute une notoriété, car le polémiste s’adresse aux cercles conservateurs et catholiques, pour qui la distinction entre deux ordres éthiques, relève du « pur chauvinisme, doublé d’un esprit de la Hakata (conservateurs) » ou d’un culte néo-païen, idolâtrant la nation (publicistes catholiques).

    Le séjour de Balicki à Cracovie durera jusqu’en 1905. Durant cette période, il va gérer l’accroissement des structures de la Ligue Nationale, non seulement dans les terres sous domination autrichienne, mais aussi en Prusse (Grande Pologne et Haute Silésie). L’agrandissement des structures du « Zet » et son engagement dans des actions éducatives à caractère politique auprès de la population, en font aussi partie. C’est ainsi que Balicki va fonder des centres ruraux, organisés sur le modèle des  « Sokoły », et la « Société de l’école populaire », organisme né en 1891, qui sera, au début du XXe siècle, incorporé à la Ligue Nationale. L’apport de Balicki dans cette entreprise est notoire.

     Il patronne aussi à d’autres initiatives visant à agrandir l’influence du mouvement national-démocrate. Dans ce contexte, il faut mentionner la fondation (1902) de  « L’Union d’entraide nationale », organisme caritatif lié à la Ligue Nationale, apportant une aide matérielle aux réfugiés politiques venant des deux autres parties de la Pologne partagée.

    En 1903, grâce à son initiative, naît à Cracovie l’ « Association pour le maintien des sciences sociales ». Son but premier n’est pas seulement de dispenser une formation dans le domaine des sciences politiques et sociales, mais de mettre en place un lieu d’échange d’idées entre les « Suprapolonais », toujours aussi fortement en conflit avec les conservateurs de Cracovie.

    Le tournant politique de 1905, provoqué par la défaite de la Russie face au Japon, ainsi que l’éclatement de la révolution dans l’Empire des Romanov, ajouté au fait que les structures les plus évoluées du mouvement national-démocrate se trouvent dans le Royaume de Pologne, ont contraint la direction du mouvement à transférer son action prioritaire sur le territoire polonais sous tutelle russe. Tel est l’arrière-plan de la décision de Balicki, lorsqu’il déménage avec sa femme à Varsovie.

    Après 1905, la direction des activités courantes du Parti national-démocrate reste aux mains de Roman Dmowski. Balicki, bien que siégeant dans les cercles dirigeants du mouvement suprapolonais et de la Ligue Nationale, se consacrera jusqu’au début de la Première guerre mondiale aux actions liées à la publication et à l’écriture.

    En janvier 1908, grâce à son initiative, naît le périodique « La Revue Nationale » (pol : Przegląd Narodowy), qui reprend, après la fermeture de la « Revue suprapolonaise », le rôle d’organe de presse principal du mouvement national-démocrate. Balicki devient le rédacteur en chef du nouveau mensuel. Comme le raconte Zygmunt Wasilewski: « Un mensuel, laboratoire central de l’idée maîtresse d’un mouvement en expansion intense, était indispensable. Balicki était le directeur rêvé pour une telle tâche: sociologue, psychologue, publiciste de renom, doué d’une imagination peu commune pour tout ce qui est organisation, et en plus, en tant qu’artiste doué d’un sens esthétique, indispensable dans tout travail ».

     Comme rédacteur de « La Revue Nationale », Balicki s’entoure d’un groupe d’auteurs hors du commun. Bien que le profil de la revue soit résolument politique, dans ses colonnes paraissent des textes de personnalités qui ne sont pas associées aux activités politiques courantes, telles que Ignacy Chrzanowski, Jan Karol Kochanowski, Jan Kucharzewski, Władysław Konopczyński ou Adam Szelągowski.

    Durant les années 1908-1910, Balicki collabore avec les quotidiens nationaux-démocrates paraissant à Varsovie, à savoir: « La voix de Varsovie » (pol: Głos Warszawski) et « La Gazette de Varsovie » (pol: Gazeta Warszawska). Dans cette dernière, il prend la direction de la section socio-politique du quotidien, profil prioritaire du journal.

    Les publications de Balicki des années 1905-1914, reflètent les principaux thèmes des polémiques politiques se déroulant dans la période précédant l’éclatement de la Première guerre mondiale, dans lesquelles le mouvement national-démocrate s’est engagé. Il y va de définir, dans ce cas donné, la relation avec le conservatisme  le socialisme, ainsi que de poursuivre le débat , lourd de conséquences pour l’unité du camp des suprapolonais,  qui sera l’ennemi principal et qui l’allié potentiel de la question polonaise, vu la proche confrontation entre les grandes puissances.

    Cette dernière matière suscitant de grandes émotions politiques et la description que fait Dmowski de l’option antiallemande (ce qui suppose une orientation vers l’Entente) dans « L’Allemagne, la Russie et la question polonaise », sera durant les années 1907-1911, la cause d’un bon nombre de sécessions dans le mouvement des nationaux-démocrates. Pour Balicki, la plus douloureuse sera la défection de l’organisation « Zet » et de la branche galicienne du Parti national-démocrate,  dont il a été l’un des fondateurs et qu’il a dirigé pendant un certain temps.

    Les sécessionnistes accusent « la ligne de Dmowski » d’être prorusse. Dans cette polémique, Balicki soutient conséquemment et avec détermination le point de vue du dirigeant du Parti national-démocrate. Comme Dmowski, il sépare son antipathie envers les Russes et leur culture, des profits politiques que pourrait tirer la cause polonaise d’une alliance avec l’Entente, contre l’expansionnisme germanique.

    Déjà dans les colonnes de la  « Revue suprapolonaise », Balicki avait écrit (1896) : « Nous appartenons à l’Occident par notre histoire, tradition et culture, c’est pourquoi les effluves nauséabondes venues de l’Est, sont pour nous un double péril: pour notre avenir national et pour notre civilisation ». L’erreur primordiale que commettent, après 1864, les conservateurs restés loyaux envers la Russie, consiste - d’après Balicki -, à surestimer la multiplicité des options politiques internes des Russes envers la question polonaise. «  Les différences d’opinions concernent seulement les moyens moraux visant à conquérir et la sauce à laquelle nous allons être mangés ». En fait, souligne Balicki, il n’y a pas de différence entre les Russes acquis inconditionnellement à la construction d’un empire à la gloire du tsar et les révolutionnaires russes : « Tous, jusqu’au dernier, sont les russificateurs de nos terres et ne nous traitent pas comme une nation égale en droit ».

    Cependant, les événements de 1905: l’affaiblissement de la Russie, l’amorce d’une entrée de l’Empire des tsars sur la voie d’une monarchie constitutionnelle et l’expansionnisme grandissant de l’Allemagne,  créent une nouvelle situation politique.

    En 1908, sur les pages de « La Revue Nationale », Balicki tient à convaincre que « la Russie affaiblie extérieurement et intérieurement, a cessé de jouer le rôle d’un axe autour duquel tournait, il y a encore quelques années, toute la politique internationale ». Dans le même article (« Suite à une situation neuve »), Balicki attire l’attention sur le fait « qu’en Russie, après les derniers événements, tous les anciens plans voulant dénationaliser les Polonais, ont définitivement fait faillite. Les Allemands sont toujours prêts à agrandir leurs possessions polonaises, alors que la Russie n’arrive plus à maîtriser les anciennes ».

     Par rapport à une Russie faiblissante,  la puissance de l’expansion de l’Empire  allemand est encore plus visible, se manifestant, écrit Balicki, par des « instincts racistes, l’excroissance d’un militarisme sur terre et mer, une surpopulation en recherche de solutions, une situation économique en quête de nouveaux marchés et par les exigences de la politique intérieure », avec en plus « des attitudes personnelles du monarque » [Le kaiser allemand et roi de Prusse Guillaume II - G. K.].  Et Balicki de conclure sa réflexion (1908): « L’État des Hohenzollern se prépare à une nouvelle effusion (de sang) en direction de toute la ligne orientale et celle du sud-est - de la Baltique à Constantinople ». 

    Durant les dernières années qui précèdent la Première guerre mondiale, Balicki continue son « règlement de compte » avec le socialisme. Il use cette fois de ses connaissances en psychologie sociale, constatant sur les pages de la Revue Nationale (1912), que « le socialisme doit être considéré comme un cas de pathologie et psychopathie sociale, avec deux  types de comportements : le révolutionnaire- espion et le révolutionnaire-bandit ».

    Trois ans plus tôt, dans le cadre du mensuel qu’il rédige, Balicki écrit au sujet du « dressage socialiste » qui «  corrompt les caractères et les hommes, les dénature et rend stérile toute tâche citoyenne ». Tout aussi nocive est l’idée socialiste de « réforme de la famille, du mariage et de la vie sexuelle ».

    Dans ses publications,  tout comme beaucoup de représentants du courant national-démocrate du début du XXe siècle, il se permet des attaques répétées et pointues contre  les conservateurs. Il les accuse d’avoir en fait abandonné la cause de l’indépendance de la Pologne, d’égoïsme social et d’un « attachement passif aux temps révolus ».

    Il faut cependant relire en profondeur le contenu des publications des années 1905-1914, car on y voit clairement qu’il s’agit là d’attaques contre des conservateurs et non le conservatisme. La pensée politique de Balicki (comme de Dmowski), laisse entrevoir bien des points communs avec la pensée conservatrice.

    C’est de la sorte qu’il faut comprendre le terme de « conservatisme national » employé par Balicki.  Il est proche du conservatisme, par la définition de la notion de nation, où il omet toute connotation ethnique, mais accentue par contre l’élément culturel. Dans la polémique avec Kazimierz Kelles-Krauze, il écrit: « L’unité nationale n’est aucunement une tactique, ni même un programme à option politique, mais un simple fait sociologique, qu’on peut ne pas comprendre, mais qui pour le moins ne cesse d’être un fait. Ce n’est nullement une synthèse d’intérêts de classe contradictoires, mais une sphère de la vie sans commune mesure, qui est à part et englobe la langue (pas toujours), la littérature, l’art, les coutumes et le caractère national.  Bref, la culture au sens large du terme ».

    Dans cette approche, la notion de nation ne se différencie en rien des « existences organiques », qui sont le résultat d’une longue évolution, idée si fortement accentuée dans la pensée conservatrice. Une autre perspective d’un rapprochement avec la pensée conservatrice, est la constatation de Balicki (1909) que « L’État est né avant la nation ».

    On peut affirmer que c’est de cette manière que Balicki ne se différencie pas grandement de la pensée dominante du mouvement national-démocrate sur  les relations entre État et nation. Dmowski a une approche similaire de la question dans son « Fondements de la politique polonaise » (1905) il écrit : « La nation est une création de l’existence nationale ». Dans la pensée politique de la mouvance suprapolonaise, les catégories de « nation » et «  État » ne sont pas considérées comme contradictoires, mais complémentaires. Sans un État fort, une nation ne sera jamais capable d’atteindre un plein développement.

    Le rejet de l’égalitarisme socialiste et la reconnaissance par Balicki, d’une hiérarchie naturelle dans une nation, est encore un élément commun avec la pensée conservatrice. En 1908, il écrit au sujet de l’existence indispensable d’une « aristocratie des compétences ». Ce dont font mention les très conservateurs « Stańczycy » (J. Szujski) de Cracovie, en parlant de « couche sociale directrice ». Balicki affirme que le devoir primordial de cette élite nationale doit être de mener « le peuple vers une société civile ». Il souligne en même temps que  « toute acception de la démocratie, qui n’est pas basée sur le principe des compétences et des talents de ceux qui exercent leur influences sur le pouvoir, est un abus de ce terme ».

    Balicki souligne (1905), que la nation polonaise dépourvu d’État « dénationalisée, soumise à la destruction, désorganisée, et même exterminée directement de manière mécanique et spirituelle », se devait d’être tout naturellement « conservatrice ». Dans les débuts du XXe siècle, Balicki considère que ce conservatisme doit avoir une nature « créatrice ». Dans ce contexte, il montre la nécessité d’une synthèse et d’un « progrès réel », car le conservatisme et la créativité dans la vie d’une nation sont intimement liés, s’interfèrent mutuellement, et ne peuvent être séparés sans dommages notoires pour sa vitalité ».

    De même que Dmowski, Balicki montre deux exemples à suivre: la Grande Bretagne et le Japon. La première « a durant toute son histoire - détruisant jamais ni l‘organisation, ni les principes de son système politique - n’a cessé de les développer de manière organique, sans imiter personne ». Le Japon par contre, a su unir la modernisation de la sphère civilisatrice matérielle avec une « organisation traditionnelle nationale immuable, ses croyances, coutumes et les racines les plus profondes de son existence ».

    Balicki, en montrant que la culture est le ciment primaire et élément qualifiant l’appartenance à la communauté nationale polonaise, signifie qu’il n’y a pas de possibilité d’assimiler à la nation polonaise la population juive. Le Juifs, écrit Balicki, dans « La Revue Nationale » (1912), sont une société « fermée hermétiquement sur sa propre spiritualité, trop cristallisée au cours des siècles par une vie uniforme et faite d’exclusion ».

    L’antisémitisme de Balicki, de même que celui d’autres penseurs politiques de ce mouvement, est de nature culturelle et économique, et non biologique. Le mot race, qu’il emploie dans ses publications, n’a aucune connotation biologique, mais sociologique et culturelle (tout comme on usait à l’époque de la formule « race britannique »).

    Son attitude envers les Juifs, Balicki la qualifie comme une résultante d’éléments « objectifs », et non comme résultat d’un « antisémitisme grossier » ou d’une « haine raciale ». Au constat d’une impossible assimilation des Juifs (Balicki démontre même la possibilité d’un processus inverse), s’ajoute un autre facteur, celui d’une collaboration juive avec les autorités de l’occupant et l’activité économique des Juifs, devenant un obstacle au développement de la vie économique polonaise.

    En 1912, sur les pages de « La Revue Nationale », durant la période où la nationale démocratie annonce le boycott du commerce juif, Balicki écrit sur la nécessité de « soutenir sa propre production nationale, d’acheter que chez les siens, d’acheter la terre et non la vendre aux étrangers, défendre sa langue et ses coutumes nationales, s’opposer dans l’opinion publique aux influences étrangères qui désintègrent ».

    Balicki, n’évite nullement les polémiques corrosives et pleines de polémiques. Elles ne vont lui causer aucun ennui de la part des autorités occupantes. En 1908, il s’attire cependant des répressions, à cause d’un article publié dans « La Revue Nationale », intitulé: « Le programme de Szymon Konarski », relatant la mémoire de l’émissaire de la Société Démocratique Polonaise et le créateur, dans les années 30 du XIXe siècle, d’un réseau clandestin sur les « terres occupées ».

    Pour cette publication, Balicki est condamné à un an de prison par un tribunal russe. Il est emprisonné en février 1910 à Włocławek et ne purge même pas la moitié de sa peine ; il sort de prison fin juin de la même année. Les conditions de détention ne sont pas trop sévères. Comme il l’écrit à Zygmunt Wasilewski au moment de sa sortie de prison: « Suis sorti de cette « drôlerie », haut la main, sain de corps et d’esprit - du corps, car au quotidien j’ai maintenu toute une hygiène, coupé du bois, fait de la gymnastique, des respirations rythmées, etc. et ainsi je me sens comme si j’avais quitté un sanatorium. Pour ce qui est de l’esprit, j’ai écrit la moitié d’un traité  scientifique intitulé: « La psychologie sociale du savoir. Théorie de l’application et des valeurs ». Cet écrit est paru en 1912, sous le titre « Psychologie sociale. Les actions du savoir ».

    En octobre 1913, Balicki part à Pétersbourg comme correspondant de « La Gazette de Varsovie ». Il part seul, car en cette période de sa vie, il est en état de séparation avec son épouse Gabriela (membre du « Zet » et de la Ligue Nationale). Quand il arrive sur les bords de la Neva, sa santé est défaillante. Malgré une activité physique, (il appartient à la Société des avirons de Varsovie), une fatigue excessive  due aux activités politiques commence à se faire sentir, avec en plus une maladie circulatoire.

    Il est toujours sur les bords de la Neva, quand éclate la Grande Guerre. Le 25 octobre 1914, il devient membre du Comité National Polonais (KNP), dirigé par Roman Dmowski et créé à Varsovie, puis transféré à Pétersbourg. Il publie alors maints articles dans les colonnes du quotidien « La question polonaise », organe de presse du Comité National.

     La dernière initiative politique dans laquelle s’engage Balicki, est celle de former des unités militaires polonaises auprès de l’armée russe.  Dmowski fait preuve d’un grand scepticisme envers cette action, doutant de l’indépendance de pareilles unités (en cas de formation) et ne percevant que peu de profits politiques de cette entreprise pour la problématique polonaise.

    Finalement, le Comité National donne raison à Balicki et, en janvier 1915, sous le patronage du Comité, est mis met en place un « Comité d’organisation des Légions polonaises ». Balicki en fait partie en tant que chef du recrutement, prévoyant un nombre de volontaires allant de deux à trois cents mille. Ce n’est que neuf cents volontaires qui se présentes (appelés Légions de Puławski). Ce n’était pas seulement un manque d’enthousiasme des Polonais pour l’idée elle-même, mais aussi à cause du sabotage de toute l’initiative de la part des autorités russes. Cet échec est certainement un coup dur pour Balicki, qui en était le principal concepteur et responsable du recrutement, auprès du Comité organisant les Légions. La position de Balicki au sein du mouvement national démocrate en est restée affaiblie.

    Après le départ de Balicki de Russie, en octobre 1915, il semble qu’il soit encore le dirigeant naturel de la national-démocratie polonaise en Russie. Tel n’est pas le cas. Ses collaborateurs les plus proches voient que son état d’esprit se dégrade et qu’il devient apathique. Le fait qu’il s’esquive de toute activité politique en est la preuve. Il est certain que plusieurs autres problèmes sont venus se greffer sur sa situation: des difficultés dans sa vie personnelle (séparation avec sa femme), une maladie de la circulation sanguine s’accentuant, ainsi que l’échec de la formation des Légions polonaises en Russie.    

    Balicki meurt à Pétersbourg le 12 octobre 1916. Trois jours plus tard, il est inhumé dans la crypte de l’Église de l’Ascension, sanctuaire catholique bâti sur un cimetière (catholique) de Pétersbourg. En 1920, les autorités bolchéviques ont ordonné d’enlever tous les cercueils de l’église, destinée à être détruite, tandis que les corps ont été déposés (plutôt jetés), dans une tombe commune au cimetière orthodoxe Ouspenski.